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2016-04-29T15:27:53+02:00

C'est mon histoire

Publié par nadinedesseaux

"Nous rêvions de changer de vie "

Fred et Charlotte voulaient ouvrir un gîte à la montagne.
Ils l'ont fait...avant de réaliser qu'ils aimaient surtout leur vie d'avant.

paru dans ELLE propos recueillis par Clotilde Marchant

Dès que nous avons trois jours de vacances , Fred et moi partons faire des randonnées.

La montagne est notre paradis. Disons plutôt qu'elle l'est redevenue depuis que nous ne la côtoyons plus de trop près. Car il y a trois ans nous avons fait l'erreur de changer de vie: nous avons ouvert notre maison d'ho^te dans un village reculé des Alpes. Ras le bol de la vie en ville, d'avoir le nez dans le guidon professionnel, de refouler notre passion pour le plein air...

Nous avons suivi notre instinct pour trouver notre "vraie" nature et avons procédé étape par étape, débutant l'affaire par l'achat d'une bergerie à rénover. Oh, la bonne idée! Fred n'avait jamais changé une ampoule...il préférait changer de lampe. Et moi , je ne connaissais rien aux tâches manuelles. Je pouvais planter un clou, mais ne me parler pas de menuiserie, d'électricité, de plomberie, de maçonnerie ou de peinture. Peu importe. Nous avons laissé tomber nos boulots, bravé nos complexes et nous sommes devenus les plus fidèles clients du Castorama de Nice, à deux heures et quarante-cinq minutes de route de notre bergerie. " On y trouve tout et il n'y a pas plus près", répétions-nous , sans nous rendre tout à fait compte qu'une fois la route faite dans les deux sens nous n'avions plus qu'à nous coucher, à la lueur d'une bougie, en laissant le coffre encore plein: allez trouver où entreposer le matériel quand rien n'est étanche.

L'enfer des travaux

Bien sur, nous avons fait appel à des ouvriers qui sont venus à la "fin de l'hiver"...c'est-à-dire quatre mois après notre installation (sous tente, mais dans notre bergerie): le col qui permettait l'accès le plus simple à notre demeure avait été fermé pour cause de neige. Nous avons commencé la réfection du toit nous-même ainsi que l'isolation de la charpente et nous avons réparé les volets. Nous les avons peints en mauve, les voir là, dans notre grange, nous donnait de l'espoir: bientôt la bergerie serait La Bergerie, le gîte d'étape-maison d'hôte dont nous rêvions. Trois chambres de luxe avec salle de bains, et quatre chambres de gîte avec sanitaires sur le palier, plus un dortoir dix places, juste au-dessus. L'hiver a été long. Nous aurions bien suivi les tutoriels travaux du Web, mais nous n'avions aucune connexion internet, évidemment. Alors, en attendant le printemps, nous avons retapé les meubles que nous avions chinés et qui menaçaient de moisir. Quand les ouvriers sont arrivés, notre rêve s'est enfin concrétisé. Ils ont soigneusement repris tout ce que nous avions fait durant l'hiver, sauf le clapier à lapins (une urgence, puisque nous prévoyions de servir une cuisine maison exclusivement réalisée avec les produits de la ferme). Quand nous avons eu les lapins, nous avons passé la journée à les nourrir et à les caresser. Le lendemain, ils avaient soulevé leur grillage et s'étaient fait la malle. Fred et moi sommes des gens positifs,nous avons donc conclu qu'il était mieux pour les cients de ne pas manger de lapins qui auraient inhalé toutes sortes d'enduits, de colles et de la poussière! Il était temps d'ouvrir notre site Internet, illustré par de belles photos de montagnes, plus tentantes que notre bergerie, avec ses trous à la place des fenêtres et son toit effondré. Les tarifs, les services-demi-pension ou pas-, tout roulait. Enfin presque , puisque la page de réservation en ligne se bloquait dès qu'on y entrait les dernières informations demandées, c'est-à-dire les codes bancaires. Le webmaster- en l'occurrence, moi- n'ayant su y remédier, on s'est concentré sur le potager...

Apéro et premiers clients

La bergerie est finalement devenue La Bergerie, après un nombre de plantages record. Un vendredi--je m'en souviens car le lendemain il y a eu la première fuite d'eau et le plombier ne se déplaçait pas le week-end --, nos premiers clients sont arrivés. On était si contents qu'on leur a offert l'apéro. Je m'étais mise en cuisine et je leur ai servi ma meilleure soupe plus ma plus belle quiche, ainsi qu'une salade -- qui n'était pas du jardin puisque le potager boudait toujours --, des fromages de montagne et un fondant au chocolat...qui m'ont coûté le prix de leur nuit chez nous. Mais Fred disait que l'important était de lancer le bouche-à-oreille. Ils ont eu l'air ravis. J'ai rangé la cuisine et quand j'ai rejoint Fred qui essayait d'attiser le feu dans la chambrette que nous avions pu nous octroyer, car nous n'avions plus de quoi aménager notre appartement, j'étais comblée.

Issue de secours

Il faisait beau, c'était l'été, le train-train s'installait: aux aurores, je mettais en place le petit-déjeuner, tandis que fred essayait de trouver la formule magique qui transformerait notre potager en Potager.Nous avions acheté de nouveaux lapins mais nous n'avions pas le coeur à les tuer, donc, nous les gardions! Mais ça se reproduit plus vite que la lumière, ces bestioles-là. Du coup, il nous est arrivé d'en offrir un au fils d'un client...Les clients, parlons-en! Nous étions toujours aux trois quarts vides même si Fred disait"au quart^pleins". Trés loin de ce que nous avions imaginé en tout cas, et très en dessous de ce qu'il fallait pour rembourser notre emprunt. La huitième fuite d'eau à endommagé toute la salle à manger et nous a contraints à fermer pour refaire entièrement le sol des chambres du gi^te. Et puis nous avons eu la visite des gendarmes, avec contrôle sanitaire...et une liste de trente-cinq points non respectés pour la sécurité de nos ho^tes. Un signal à incendie posé dix centimètres trop loin. Une prise de courant, dix centimètres trop près. Une issue de secours sans porte battante, etc., etc.

A partir de là , la montagne a pris une drôle de teinte. Dans notre chambrette mal chauffée après m'être douchée à l'eau froide par flemme d'aller jusqu'à la douche du gîte, j'ai repensé à mes talons hauts, à mon parfum pour cheveux et à ma petite robe noire et j'ai rêvé que je retournais en ville. Fred avait l'air de moins en moins sûr de notre affaire. A la banque, notre découvert était abyssal. Nous avons dû reconnaître que nous étions aussi doués pour tenir un hôtel que pour réaliser des travaux. Nous savions qu'on ne nous octroierait jamais l'emprunt nécessaire pour remettre aux normes la bergerie. Alors, tout s'est accéléré. J'ai eu la chance d'être réembauchée par ma boîte. Fred est resté sur place le temps de liquider la bergerie. Puis il m'a rejointe et il a retrouvé du travail.

Chaque mois, nous remboursons notre folie, mais , au fond nous ne regrettons rien. On l'a fait , voilà. C'est le prix de notre rêve. On sait aujourd'hui que notre place n'est pas là-bas. Le cauchemar est presque fini. Nous vivons dans un studio chauffé, nous ne récurons plus les sanitaires de clients peu scrupuleux. Ce week-end , nous partons marcher en montagne. nous croiserons peut être un de nos cent lapins égarés! Mais , cette fois-ci, une chose est sûre: le retour ne tirera pas de larmes.

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